Une Direction qui ment sur les suicides n’est plus un interlocuteur crédible

La Direction de France Télécom vient d’annoncer le chiffre de 32
suicides en deux ans, dont 17 en 2009, ce qui vient donc alourdir le sinistre
bilan, très au-delà des données connues par l’Observatoire du Stress piloté par
Sud et la CFE-CGC/UNSA, qui avait identifié 26 suicides depuis février 2008.

Un audit officiel sur le malaise social est en cours depuis fin
septembre, et la Direction prétend en parallèle négocier avec les organisations
syndicales sur le stress et les conditions de travail. Dans un tel contexte, il
est très troublant d’apprendre que la pression de l’Inspection Générale du
Travail, qui a mis l’entreprise sous enquête, aura été nécessaire pour que
l’entreprise communique enfin ses données sur les suicides.

Des polémiques scabreuses alimentées par
la Direction… qui cependant se permet de faire la morale aux organisations
syndicales

Depuis l’été, la Direction de l’entreprise, par la voix de
son DRH Groupe notamment, tente de minimiser les chiffres, et accuse les
syndicats d’exploiter publiquement des drames individuels, qui selon elle ne
seraient « pas forcément » liés au management de l’entreprise.

Cependant, elle n’a jamais démenti les chiffres communiqués
par les organisations syndicales : et pour cause ! La Direction
savait en effet que ces chiffres étaient inférieurs à la réalité, ce qui
permettait notamment en octobre d’alimenter une polémique scabreuse, animée par
un statisticien en retraite, pour tenter de démontrer qu’« on se suicide
plutôt moins à France Télécom qu’ailleurs » !

France Télécom se doit d’être exemplaire dans la gestion
d’une crise emblématique d’un monde du travail en danger

La crise sociale de France Télécom est unanimement reconnue
comme emblématique d’un malaise général dans le monde du travail. C’est
notamment à ce titre que le gouvernement français, de Christian Estrosi à
Christine Lagarde, en passant par Xavier Darcos, demande à France Télécom de se
montrer exemplaire dans la mise en œuvre de solutions, et à toutes les
entreprises de négocier sur la prévention du stress et les conditions de travail.

Si la crise a été mise à jour et a pu faire l’objet d’une
prise de conscience, chez France Télécom et dans l’ensemble de la société
française, c’est justement grâce au travail des syndicats, en particulier de
l’Observatoire du Stress à France Télécom, qui mène un travail de fond sur les
conditions de travail et leurs effets délétères depuis 2007… mais dont le site web reste censuré sur les postes de travail des 102 000 salariés.

La CFE-CGC/UNSA demande un changement
d’interlocuteur en lieu et place de l’actuelle Direction, qui ne peut plus être
un interlocuteur crédible

Mais comment négocier aujourd’hui avec une Direction qui
tente encore de masquer la vérité, alors même qu’elle est sous la surveillance
de tous les acteurs sociaux et des médias ? De toute évidence, la
Direction actuelle est incapable de reconnaître ses erreurs. Il est donc
impossible de négocier sur des bases saines.

La CFE-CGC/UNSA vient de revenir à la table des négociations
sur le stress et les conditions de travail, et ne peut qu’en faire le triste
constat. Qu’il s’agisse :

–    de la méthode de travail
(chantiers tronçonnés qui ne permettent pas d’aborder les questions globales et
transverses),

–    de la loyauté de la Direction
(comptes-rendus tronqués ne reflétant pas les demandes des organisations
syndicales en séances de négociation),

–    des premières mesures annoncées
(pour l’essentiel, une simple mise en conformité avec le droit du travail que
l’entreprise n’appliquait pas),

–    de la politique de communication
vers les médias (la Direction se glorifie « d’un dialogue social rénové [qui]
s’inscrit pleinement dans la dynamique de refondation du Groupe »),

tout montre aujourd’hui que les dirigeants actuels ne
traitent que les apparences, n’hésitant pas à mentir pour les sauvegarder, et
sont incapables d’opérer les changements profonds pourtant indispensables, pour
la sauvegarde des personnels et la pérennité de l’entreprise.

Soyons clairs : la vraie négociation commencera en janvier !

Le 14 décembre prochain, le cabinet d’audit Technologia, choisi en commun
par les partenaires sociaux rendra compte

–    du questionnaire avec 175 items,
auquel 80 000 de nos collègues ont spontanément répondu

–    de l’étude documentaire portant
sur 65 audits (sur la centaine commandités par les CHSCT du groupe France Télécom-Orange
depuis quatre ans), qui constituent autant de signaux d’alarme que cette
direction n’a jamais souhaité entendre.

Beaucoup de textes à étudier, beaucoup de données à analyser.

Un travail de fond que la Direction
actuelle se refuse à entreprendre

La résolution d’une telle crise, qui s’est nouée sur
plusieurs années via l’application de règles productivistes dictées par le
capitalisme financier, nécessite de travailler sur le fond et dans la durée. Un
tel travail ne peut se faire que dans la loyauté et la transparence, avec une
réelle volonté de changement, et non de simples mesures cosmétiques qui ne
remettraient pas en question les fondements même de la stratégie d’entreprise.

Or la Direction actuelle cherche surtout à minimiser ses
responsabilités et à masquer l’étendue du sinistre social, pour ne rien
remettre en cause de sa stratégie, qui n’hésite pas à détruire les emplois et
les hommes au nom des sacro-saints ratios financiers attendus par les marchés
boursiers.

 

C’est pourquoi la CFE-CGC/UNSA demande aujourd’hui un
changement d’interlocuteur, en remplacement des dirigeants actuels qui ont
directement contribué à la mise en œuvre d’une politique mortifère, dont ils
continuent de vouloir masquer les effets et à défendre les principes, au lieu
de travailler loyalement avec les organisations syndicales pour mettre en œuvre
une stratégie industrielle rénovée, respectueuse des personnels et de ses
représentants mandatés.